Belladone : un poison à l’état pur
Très jolie fleur au demeurant, la belladone est pourtant célèbre en tant que poison. Ses surnoms parlent d’ailleurs d’eux même : l’Empoisonneuse, la Morelle furieuse, la Cerise empoisonnée ou encore l’Herbe au diable. Mais qu’en est-il exactement ? Depuis son identification, cette plante n’a-t-elle pas réussi à faire évoluer sa mauvaise réputation ? Partons à la découverte des bienfaits et des méfaits de la belladone.

Retranscription audio:
Origine
La belladone, de la famille des solanacées, pousse dans une terre calcaire et argileuse. On en trouve dans un bois, une clairière, à la lisière d’une forêt, proche de décombres, de taillis ou de lieux humides. Principalement endémique d’Europe, elle demeure plutôt rare en France (on peut la rencontrer dans les Alpes ou le bassin méditerranéen). On le retrouve aussi en Afrique du Nord ou en Asie occidentale. Cette plante vivace, touffue, mesure en général un mètre, voire plus. Lorsqu’on froisse ses larges feuilles molles et visqueuses, une odeur désagréable s’en dégage.
Des fleurs brunes voir rouges, donnent naissance aux fruits de la plante : des baies noires, charnues et brillantes, de la taille d’une petite cerise. Elles renferment une pulpe violette ainsi que de minuscules graines noires plates qui colorent les doigts si on les écrase. Le plus dangereux avec ce fruit, c’est son goût légèrement sucré. Cette saveur agréable étend le risque d’intoxication.
Composition de la belladone
La belladone est constituée des trois alcaloïdes tropanique principaux :
- l’hyoscyamine : compose le fruit à 90 %, provoque de la tachycardie, une dilatation des pupilles, un ralentissement des sécrétions (tel que la salive ou la sueur) et une diminution du transit intestinal. Empêche aussi l’action des neurotransmetteurs.
- l’atropine : les effets seront les mêmes que pour l’hyoscyamine.
- la scopolamine : en plus des conséquences similaires des précédentes, la scopolamine cause des hallucinations intenses, des pertes de conscience et de l’amnésie. Testée comme sérum de vérité lors de la Seconde Guerre, elle est toujours utilisée de nos jours en Colombie pour voler ou violer des victimes inconscientes. Des séquelles psychiatriques sont souvent observées après intoxication.
Symptômes de l’empoisonnement
Mais, dans la réalité des choses, l’empoisonnement ressemblerait à quoi ? Le fait que l’on puisse confondre la belladone avec certaines variétés de cerises ou de myrtille, agrémenté de son goût sucré, en fait un piège mortel. C’est de là que vient son surnom de « cerise enragée ». Pour l’enfant, elle l’est en ingérant 2 à 5 baies et pour l’adulte entre 10 et 15. Dès la consommation, les effets peuvent donc être les suivants : nausées et vomissements accompagnés par une sécheresse profonde de la bouche, suivis d’une soif intense. Des rougeurs commencent à apparaître, avec une tachycardie violente (120 à 150 battements par minute), des céphalées, une hypertension couplée à une dilatation de pupille avec photophobie. Une agitation certaine, des tremblements réguliers et de la fièvre pour clore le florilège de symptômes. S’il n’y a pas de traitement et à la suite d’une paralysie respiratoire et d’un coma, survient rapidement la mort.
Utilisations d’une plante toxique:
Utilisation à travers les âges
La belladone, ou atropa belladona de son nom scientifique, est un poison mortel. Pourtant, durant le Moyen Âge, malgré le fait que l’on connaissait déjà sa toxicité, ses graines, feuilles, racines et fruits étaient exploités dans d’innombrables concoctions. Ces dernières pouvaient lutter contre : le tétanos, la rage, les névralgies, le delirium tremens, l’hystérie, le trismus, la chorée, la toux, la coqueluche, le hoquet, l’aphonie, la scarlatine, les douleurs digestives, la constipation, les infections urinaires, les affections oculaires ou la dysenterie.
Pendant la Renaissance, les italiennes voulant mettre en valeur leur regard, appliquaient sur leurs yeux un onguent à base de belladone. Ce dernier permettait d’agrandir leur pupille et de leur donner un effet de profonds yeux noirs, tels des yeux de biche. Le suc des baies était aussi utilisé en tant que fard sur les joues. C’est bien là l’origine du nom de cette plante : belladone ou « belle femme » en italien. L’usage de ce principe actif a perduré au cours des siècles, puisque, de nos jours, les ophtalmologistes l’utilisent toujours pour ausculter le fond de l’œil.
Emploi médicinal
Partant de ce constat, un poison peut tout autant être utilisé comme médicament lorsqu’il est bien dosé. De ce fait, la belladone est aussi connue pour son effet calmant et antidouleur, grâce à l’atropine qui la constitue. Par conséquent, elle continue d’être employée dans la médecine moderne et peut être utilisée pour insensibiliser un malade (lors d’une opération chirurgicale par exemple).
La préparation de la belladone est exclusivement réservée au milieu pharmaceutique sous forme galénique (forme sous laquelle sont préparés les excipients et les principes actifs pour créer un médicament). Elle peut être appliquée contre la toux, dans un traitement pour soulager le tube digestif, comme spasmolytique (en complément de laxatifs) et comme antalgique.
Néanmoins, la belladone a disparu de plusieurs spécialités pharmaceutiques. En effet, sa mauvaise relation bénéfice/risque a été sous-entendue à la suite de la mise à jour des nouvelles classes thérapeutiques pour le traitement de la plupart des affections qu’elle soignait. Cette plante reste contre-indiquée pour les cardiaques et les neurasthéniques et incompatibles avec la pilocarpine (un traitement oculaire), les tannins, ainsi que les composés alcalins.
Belladone et sorcellerie
Au cours de l’Histoire, on a aussi prêté à la belladone une utilité lors de rituel, principalement au moment de sabbats. Les « sorcières » la mélangeait à d’autres plantes toxiques pour former un onguent spécial. Dosées pour ôter les effets vénéneux, les plantes étaient ainsi enduites sur la peau. Et lorsque le baume pénétrait l’organisme, celui-ci déclenchait des hallucinations qui procuraient, entre autres, la sensation de s’envoler ou de voir des esprits.
La belladone demeure donc fidèle à sa réputation : mortelle si elle n’est pas traitée à temps. Quelques-uns de ses bienfaits ont été prouvés, mais le risque d’une mauvaise manipulation reste omniprésent et par conséquent dangereux. La famille des solanacées, dont fait partie la plante, compte tout de même un potentiel de végétaux et légumes comestibles par l’Homme. Les tomates, les poivrons, les pommes de terre, les piments ou encore les aubergines en sont de parfaits exemples.